A travers le cas de Valentine, nous explorons les méandres d’une phobie et comment le cerveau, dans sa tendance à tout simplifier, isole un symptôme pour nous protéger et rendre nos peurs plus acceptables.
Valentine, la petite quarantaine entre discrètement dans le cabinet et s’assied en face de mon bureau. Je prends quelques secondes pour créer un nouveau fichier sur mon ordinateur en même temps que je sens sa présence souriante et disponible. Dans cet instant furtif, je la perçois comme relativement apaisée, avec la candeur de celles ou ceux que les épreuves ont mystérieusement attendris plutôt que durci.
D’ailleurs, j’apprends au fil de l’échange qu’elle a retrouvé un poste de responsable des ressources humaines après une longue convalescence suite à un burnout. Et c’est justement parce que cela va mieux, qu’elle veut s’attaquer à ce problème qui la tenaille depuis trop longtemps : sa phobie des chiens.
Voici son histoire. Valentine à peur des chiens, de tous les chiens, des petits comme des gros. Elle fait des détours dans sa vie quotidienne pour les éviter et si par malchance elle croise un chien, son cœur s’emballe, elle à l’impression qu’elle va s’évanouir.
- Avez-vous eu de mauvaises expérience avec les chiens ?
- Oui, une fois. J’avais 4 ans, je vivais à la campagne et nous nous sommes moi et mon cousin plus âgé fait attaquer par un gros chien de ferme. Mon cousin ne m’a pas protégé et j’ai le souvenir d’être tombée…. Mais ça je l’ai peut-être inventé.
- Et quand vous pensez à cette histoire, vous ressentez quelque chose ou l’avez vous usée jusqu’à la trame à force de l’avoir raconté ?
- C’est vrai qu’aujourd’hui je ne ressens pas grand chose.
- Et avant cette histoire ?
- On m’a toujours dit que même avant 4 ans j’avais peur des chiens.
- C’était comment chez vous quand vous étiez petite ?
- Maman ne savait pas quoi faire de moi, elle était complètement désemparée.
Je sens son émotion qui affleure. Je lui propose d’éprouver la stabilité et la solidité du fauteuil sur lequel elle est assise et forte de ce constat de s’autoriser à sentir complètement son émotion. Elle note que son dos et sa nuque deviennent tout raides et qu’elle sent du froid dans la partie haute du corps. Je lui suggère de ne pas s’y appesantir. Elle me fait alors cette drôle de remarque :
- Maman m’engueulait tout le temps. Peut-être qu’une fois elle m’a engueulé très fort et qu’un chien était dans les parages. Comme je me refusais d’en vouloir à maman, tout s’est cristallisé sur ma peur des chiens.
- Peut-être… on ne sait pas. Si vous vous dites maintenant : « je peux ne plus avoir peur des chiens », que se passe-t-il dans votre corps ?
- Vous allez trouver ça bizarre, mais je suis en train de m’apercevoir que ma plus grande peur c’est maintenant de ne plus avoir peur des chiens !
- Ce n’est peut-être pas si étonnant. Les chiens ont servi de repoussoir à votre peur. Ils ont été bien utiles à une époque, aujourd’hui c’est différent vous avez probablement les ressources pour traverser cette peur. Je vous propose de prendre le temps de laisser infuser cette remarque et d’observer ce qui se passe chez vous.
- La réponse qui me vient c’est que je serais terriblement vulnérable
- Et ?
- Cela me renvoie à trop de souffrance.
- Ce n’est pas facile, c’est vrai, d’aller dans cet endroit. Pour vous y aider, nous allons faire cette chose très simple. Nous allons aller dans notre propre vulnérabilité, chacun de notre coté et voyons ce qui s’y passe.
Après quelques minutes d’introspection, je l’interroge :
- Alors… ?
- C’est bizarre j’ai vu comme des voiles, des tentures qui ondulaient c’était vraiment apaisant.
- Cet apaisement, c’est aussi une force, non ?
- Oui, sans doute
- Notez que sous la vulnérabilité vous trouvez de la force… Allons plus loin maintenant. Imaginez que votre maman est dans la pièce et laissez votre corps réagir à cette présence. Prenez quelques minutes et dites-moi ce qui se passe.
Valentine ferme de nouveau les yeux et peu à peu se tortille sur son fauteuil.
- Que se passe t-il Valentine ?
- J’ai mal au ventre comme si j’étais enceinte.
- Admettons. Allons voir ce bébé. A cet âge, la tête ne se rappelle plus mais le corps lui se souvient. Peut-être qu’il se souvient d’avoir ressenti au plus profond de lui-même la peur de votre maman, celle de ne pas être prête à enfanter, par exemple. Vous êtes assise confortablement maintenant, laissez donc le fauteuil se charger de cette peur à votre place.
Le moment est intense. Valentine est en ce moment comme un plongeur sur le point de faire le saut dans le vide. L’hésitation traverse son front, il fait chaud dans la pièce tout à coup. Puis, peu à peu sa respiration retrouve de l’amplitude
- Ça fait comme des bulles d’air dans mon ventre, tout bouge là-dedans !
- Et qu’en-est-il de votre peur des chiens de là où vous êtes maintenant ?
- Je ne sais pas, cela me semble si saugrenu…
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