«Retrouvez votre enfant intérieur !» C’est devenu une ritournelle bien connue et partagée notamment par tout un pan de la littérature du développement personnel. C’est un peu comme si l’enfant intérieur était devenu un lien idéalisé vers la partie pure, innocente de nous même. Pourtant, l’expérience me prouve d’abord qu’il n’y a pas qu’un seul enfant intérieur et qu’en plus il devient généralement la plus grande source de nos problèmes.
Prenons un exemple : J. vient consulter parce qu’on lui propose un changement de poste, qu’il perçoit comme une rétrogradation par rapport à son emploi antérieur. Cette nouvelle configuration a généré chez lui un mal-être qui le prive de sommeil et du plaisir au travail. Face à son nouveau responsable, il a l’impression d’être comme un enfant avec même la sensation étrange de diminuer en taille. Que se passe t-il pour J. ? Comment en est-il arrivé là ?
En hypnose on parle de ‘‘transe hypnotique’’ pour évoquer l’état particulier généré par l’hypnose dont on admet généralement le pouvoir thérapeutique en ce sens qu’elle défocalise le patient de ses problèmes, l’ouvre à d’autres possibilités. Pourquoi pas ? Mais à l’inverse, nous pourrions aussi bien dire que le problème c’est la transe elle-même qui surgit d’on ne sait où, sans crier gare, et nous plonge dans un état de mal être, tenace comme une glu.
Alors d’où vient cette glu ? De nous-même forcément et le plus souvent de cet enfant intérieur qui, pour se protéger d’un événement, d’un contexte anxiogène génère une transe qui endort ou gèle notre spontanéité.
C’est bien visible chez J. quand je lui propose d’imaginer qu’il est en présence, ici et maintenant , de son responsable. Son visage se colore, sa respiration devient plus courte, ses épaules montent. Manifestement il aimerait réagir mais une transe spontanée le place dans la position de la mouche piégée sur un ruban de colle. Et plus il s’agite plus la colle est efficace.
Comment faire ? Pour s’échapper de sa prison, il faut encore avoir conscience d’être en prison. Je demande donc à J. de ne surtout pas s’échapper de cette sensation et au contraire de laisser son corps s’y installer confortablement. Bien sûr, cette injonction un peu autoritaire, vient renforcer encore l’impression d’être piégée et renforce encore l’état de transe. C’est un mal nécessaire pour le moment, comme pour éprouver la solidité des barreaux d’une prison.
- Cette sensation n’est certainement pas nouvelle, laissez-vous guider par celle-ci et voyez-là ou ça vous mène?
- Mon père était glaçant, il n’avait même pas besoin de lever le ton pour asseoir son autorité. J’étais souvent terrifié en sa présence.
- C’est toujours le cas ?
- Non, il est âgé, nos relations se sont apaisées.
- Sentez qu’aujourd’hui, contrairement au petit garçon que vous étiez, vos pieds touchent bien par terre même si votre corps est calé au fond du fauteuil.
J. ne réagit pas, absorbé semble t-il dans la sensation de ses pieds posés sur le sol. Je ne sais pas ce qui se passe en lui, mais j’ai le sentiment que tout intervention de ma part serait désormais mal venue. Le silence est habité, quelque chose est en train de se produire...
Le travail avec J. s’ est poursuivi sur quelques séances, jusqu’à admettre que son nouveau poste le libérait de la pression du challenge et de toujours faire plus. Finalement, cela lui offrait plus d’énergie qu’il pouvait consacrer à ses loisirs et à l’idée de s’installer plus proche de l’océan.
Progressivement, il a pu prendre conscience qu’à chaque fois qu’il se retrouvait devant son responsable, une transe hypnotique se mettait spontanément en place exactement comme elle s’installait petit en présence de père. Cette transe à perduré des années jusqu’à l’événement de ce nouveau poste. Pourquoi à ce moment là? Qui peut le savoir ? En tout cas, son corps n’est plus en lutte contre la situation. La porte de la prison est ouverte et la cohabitation avec cet encombrant enfant intérieur n’est plus d’actualité.
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