C’est une thématique qui revient souvent en cabinet : je dois animer une réunion, tenir une conférence ou encore pour les étudiants, faire un exposé devant toute la classe, et..... je suis pétrifié de peur, rien qu’à l’idée d’être face à un auditoire aussi restreint soit-il.
C’est d’ailleurs une première question que l’on peut se poser : à partir de combien de personnes cela devient-il un problème : 2, 3, 6.... personnes ? Et l’on pourrait petit à petit agrandir sous hypnose la taille de l’auditoire pour la rendre progressivement supportable. Franchement , une fois passée la barre des 10 personnes, il n’est pas certain que cela change grand chose. Chacun possède un seuil symbolique au-delà duquel, les chiffres n’ont plus grand sens.
Un héritage culturel
Par ailleurs, il existe sans doute dans cette peur un héritage culturel. Si on compare par exemple la manière des français et celle des québécois à aborder la parole en public. Les uns se montreront embarrassés et coincés, tandis que les autres, sans doute confrontés dès très jeunes à l’exercice feront preuve d’un flegme assez désarmant. Ma compagne habituée aux longs séjours à Montréal me confiait qu’elle pouvait à l’aéroport distinguer les français des québécois simplement à la détente de leur corps. Il est vrai que la posture participe pour beaucoup à la manière dont on perçoit une situation de l’intérieur et dont elle est reçu par l’auditeur. C’est très simple lorsque vous êtes face à une personne très tendue, vos neurones miroirs s’activent et vous devenez vous même de plus en plus tendu. Tension qui à son tour revient vers l’orateur, comme un boomerang , et qui souhaiterait de tout son cœur se cacher dans un trou de souris. A l’inverse, la personne qui aborde l’exercice avec une certaine tranquillité s’attire assez rapidement l’attention et la bienveillance de l’auditoire.
Pour autant, même si l’on admet que la posture physique est importante voire primordiale tous les efforts que je fournis à me détendre n’ont souvent d’autres issues que de me verrouiller un peu plus encore.
Un héritage familial
Dans la grande majorité des cas, les personnes qui ont de la difficulté à prendre la parole en public sont plutôt des ‘‘bosseurs’’ qui travaillent à fond leur intervention orale afin justement de ne pas être pris au dépourvu et de pouvoir s’appuyer sur un contenu solide. Ce sont de ‘‘bons élèves’’ qui prennent leur tâche au sérieux et ne ménagent pas leurs efforts. Quand ils s’expriment en public, ils ne sont plus vraiment eux-mêmes et endossent le costume un peu guindé de l’orateur. Généralement, leur histoire personnelle et familiale a joué aussi un rôle dans la création de ce comportement maladroit. Il s’est agit à un moment donné de se fabriquer un personnage, une version plus conforme à celle attendue par les proches de manière plus ou moins implicite. Engoncé dans ce personnage, on se sent alors à l’étroit, sans s’autoriser à en sortir. Le travail thérapeutique consistera à pointer les étapes de la création de ce personnage comme autant de nœuds qu’il s’agirait de dénouer un à un. A la question de savoir qu’est-ce qui est le plus terrifiant dans l’idée de prendre la parole en public, qu’est-ce qui au pire pourrait vous arriver ? Les réponses se ressemblent souvent : la peur du ridicule, de paraître incompétent, de montrer sa vulnérabilité, etc. Soit autant de notions qui ont été apprises et intégré inconsciemment, autant de frein à la spontanéité naturelle.
Le corps sans la tête
Une astuce que je propose parfois pour soulager la peur de parler devant un auditoire, c’est déjà d’accepter de la formuler. De dire par exemple à l’assemblée : ‘‘Je suis stressé par l’exercice, excusez-moi d’avance de mes hésitations ou de mes bafouillements, ça ira mieux dans quelques minutes.’’ En exprimant ainsi mon appréhension, je me libère de la tension générée par le besoin de la cacher, de dissimuler mes imperfections et cela va déjà mieux. Bien sûr, si on est amené à prendre souvent la parole, il suffira alors de prendre le temps de s’installer dans ce stress, comme on le ferait d’un bon fauteuil moelleux, autrement dit : sentir pour ne plus être envahi.
Pour les plus aventuriers d’entres-vous, il pourrait être intéressant de pousser le bouchon encore plus loin, car c’est bien là que réside le secret de la prise de parole en public, dans un exercice de funambule aussi périlleux que jubilatoire : ne plus chercher à comprendre ce que vous dites et vous abandonner au plaisir de vous écouter parler. Oh, la vilaine chose que voilà, qui convoque de suite, les souvenirs d’orateurs assommants qui se délectent de chacun de leurs mots, comme des bonbons trop sucrés. Laissons ces cuistres de côté à la mécanique cérébrale bien huilée et intéressons nous à ceux qui parlent simplement, sans efforts apparents, capables de retenir notre attention avec l’impression qu’ils s’adressent directement à nous-mêmes. Comment font-ils? D’abord sans aucun doute, ils connaissent leur sujet. Mais paradoxalement ce n’est pas le plus important. Le plus important c’est qu’ils sont là. Pas seulement leur tête, leur corps entier est habité par leurs propos. Ils sont funambules car ils savent marcher au-dessus du vide, se laisser surprendre par leurs propres mots, par leurs enchaînements de phrases. Ils maîtrisent parfaitement leur peur de ne pas savoir et s’y abandonnent. Ils ne s’adressent pas à notre intellect et déjoue notre capacité à raisonner pour nous installer dans l’écoute.
‘‘Je n’ai pas ce talent’’, peut-être me direz-vous. C’est sans doute autant une gymnastique qu’un talent. Faites l’expérience : quand vous aurez accumulé plus de confiance dans la prise de parole, prenez le temps de vous déposez, apprenez à sentir ce temps de suspension. Dès que vous vous approchez du ‘‘blanc’’, de l’impression de ne plus rien savoir, installez-vous dans ce moment qui paraît une éternité et attendez que les mots viennent. Au départ ce temps vous paraîtra très long et vous aurez une irrépressible envie de le combler. N’en faites rien, savourez le. Vous serez surpris au final, car l’auditoire le remarquera à peine, votre présence étant devenue plus fortes que vos mots eux-mêmes. C'est simple, il suffit de penser à ne plus penser.
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